LES LACUNES DES CLASSIFICATIONS D’ÂGES

PG 

14A    18 +        R

G

 

Un parent entre dans un cinéma avec son enfant de onze ans. Il demande à l’employé du cinéma : «Excusez, monsieur, est-ce que le film que nous voulons voir contient des scènes trop violentes ?» L’employé se gratte la tête : «Eh bien, beaucoup de meurtres, beaucoup de nudité, une scène montrant un gars qui se fait arracher les deux yeux et beaucoup de langage vulgaire. Mais ce n’est pas grave … votre enfant est accompagné d’un adulte !»

 

        Il y a quarante ans, les vieux westerns nous montraient un pauvre type qui se faisait fusiller de façon tellement propre. L’homme criait, touchait à sa poitrine et tombait sur le sol. Pas de sang, pas d’entrailles, pas d’effets spéciaux grotesques. Nous avons compris qu’il est MORT. Maintenant, les effets spéciaux nous montrent des scènes aussi réalistes que jamais, à un tel point que même certains adultes ferment les yeux devant l’écran lumineux. Les systèmes de classifications d’âge ont caché la censure sous le tapis et ont permis aux réalisateurs de montrer leur art sans retouches finales. Mais est-ce que les yeux de nos enfants chéris sont protégés pour autant ?

        J’aimerais clarifier quelque chose une fois pour tout: je n’aime pas la censure. L’art mérite la liberté sans coupures. Toutefois, le bien-être de nos enfants devrait être notre priorité. Les parents comptent dorénavant sur les régies de classifications d’âge tels que le MPAA (Motion Picture Association of America), le Ontario Film Review Board, le British Board of Film Classification, la Régie Cinéma du Québec ainsi que plusieurs autres. Presque chaque pays a son propre système de classification. Mais est-ce que ces classements avertissent les parents de façon efficace ? 

        Je vais analyser le MPAA aux États-Unis. Cette organisation volontaire fut fondée en 1967 afin d’avertir les parents. Un ensemble de professionnels (qui inclut des parents) évaluent le contenu du film et lui donnent un classement afin de déterminer s'il est convenable pour les enfants ou non.

        Maintenant, le MPAA ajoute un avertissement qui avise les parents de la nature du contenu, ce qui est une très bonne idée. Maintenant, le «R» (Restricted) est accompagné d’une mention telle que : «Démontre l’usage de narcotiques, démontre la violence gratuite» etc. Ce «R», qui interdit l'accès aux spectateurs de moins de 17 ans à moins qu’il ne soient accompagnés d’un adulte, semble régler un problème et vise à protéger nos jeunes. Pas nécessairement.

        Le «R» est drôlement permissif. Des films ultra-violents (ou sexuellement explicites) tels que Basic Instinct, Boys Don’t Cry (Les Garçons ne pleurent pas), Total Recall (Voyage au centre de la mémoire) et Fight Club portent le «R». Donc, si un enfant est accompagné d’un parent, il ou elle peut voir le film sans problème.

        Je ne sais pas, mais je doute sincèrement que la présence d’un parent rendra les tortures, les viols horribles ou les bagarres sanglantes un peu moins terrifiants pour les jeunes enfants. Je me sentirais très mal à l’aise (voire même furieux) d’être assis à côté d’un pauvre enfant de sept ans qui est accompagné d’un adulte pendant une scène de torture qui fait grincer les dents. Est-ce que la présence de l’adulte change quelque chose ? Bien sûr que non, à part si le parent décide de sortir l’enfant de cet endroit au plus vite.

        Le «R» du MPAA est très vague et universel. En conséquence, aucun parent ne peut savoir à quel point le contenu du film pourra affecter son enfant de moins de dix-sept ans. One True Thing (Contre coeur) est classé «R» mais le seul contenu inapproprié provient du fait que Renée Zellweger dit «fuck» cinq fois dans tout le film (seulement cinq). Glengarry Glen Ross est aussi classé «R» pour un langage vulgaire, mais le langage dans Glengarry Glen Ross ferait frémir le plus vulgaire des bûcherons. Comment savoir le degré d’intensité si le «R» est utilisé si fréquemment ? 

        De plus, il permet quand même l’accès aux enfants. L’adulte qui accompagne cet enfant n’est probablement même pas le parent (plusieurs enfants aux États-Unis ont déjà mentionné avoir demandé à un parfait inconnu d’entrer avec eux dans la salle).

         Certains parents peuvent prendre de si mauvaises décisions qu’il est quand même nécessaire de décider pour eux. Cela brime leur liberté ? C’est injuste? Non. C’est intelligent et c’est essentiel pour le bien être des enfants. Big Brother nous surveille ? C'est peut-être nécessaire dans certains cas (je dis bien certains). Certains films devraient être interdits aux enfants peu importe ce que les parents pensent. Si ces parents veulent louer le film avec leur enfant, c’est leur problème. Mais au cinéma, quelqu’un doit établir des limites. Lorsque j’étais à l’école élémentaire, je connaissais un gars de sept ans qui regardait des films pornographiques avec son père. Parfois, certains parents ne sont pas de très bons juges.

        Certains films n'ont tout simplement pas le bon classement. Par exemple, Pollock a reçu le classement «18 ans» en Grande-Bretagne et Saving Private Ryan (Il faut sauver le soldat Ryan) est classé «15 ans et plus». Ah bon … des scènes démontrant l’abus d’alcool et la dépression dans Pollock sont effrayantes et le film est strictement interdit aux mineurs, mais les carnages hyperréalistes et les combats sanglants dans Saving Private Ryan sont moins pires. Voyons donc.

        Il va de soi que le jugement peut dépendre de la personne qui regarde le film. Certaines scènes peuvent choquer une personne sans affecter une autre. Malgré cela, certaines décisions sont tout à fait ridicules. Au Québec en 1991, Thelma & Louise (1991) a été classé «18 ans Adultes» par la Régie Cinéma. Le film contient une scène d’agression sexuelle intense, oui, mais cette scène est très courte et le viol ne se produit pas. Mais The Accused (Appel à la justice) qui contient une scène de viol absolument effrayante, a reçu le «14 ans» en 1988. Treize ou quatorze ans est un âge terriblement jeune pour voir une femme se faire agresser violemment par cinq hommes dans un bar. Dans An Eye for an Eye avec Sally Field, qui est «13 ans», on voit une femme de faire violer sadiquement dans sa propre maison en se faisant asséner des coups de poing.

        Le jugement de la Régie concernant la violence gratuite change d’un film à l’autre. RoboCop 2, qui nous présente un homme attaché sur une table qui se fait découper en morceaux avec un scalpel, a été certifié «14 ans : Indicatif» en 1990. «Indicatif» signifiant que ceux et celles de moins de quatorze ans devaient être accompagnés d’un parent. HEIN ? Je ne laisserais jamais un jeune enfant voir un tel film. Même quatorze ans est terriblement jeune. Comme j’ai déjà mentionné, la présence d’un parent ne change pas grand chose.

        National Lampoon's Christmas Vacation (Le Sapin a des boules), qui contient presque aucune scène non convenable pour les enfants, a aussi reçu le classement «14 ans: Indicatif». Il y a une très grande différence entre le contenu de cette comédie et celui de RoboCop 2. Beverly Hills Cop (Le Flic de Beverly Hills), qui est deux fois plus offensant que Tootsie, a été classé «Visa Général» tandis que Tootsie a écopé le «14 ans» en 1982. C'est insensé de penser qu'un film policier comme Beverly Hills Cop, qui contient un degré élevé de violence et de vulgarités, soit accessible à des enfants sans surveillance parentale. Mais le fait que Dustin Hoffman s'habille en femme est assez choquant pour mériter un classement «14 ans». Aux États-Unis, les seuls films classés «Général» (admission générale à tout public) sont les dessins-animés et les films pour enfants.

        Même pendant les années 70 et 80, la Régie Cinéma jugeait la convenance de façon inquiétante. Alien/Le Huitième Passager (1979), qui nous montre explicitement un estomac exploser de manière graphique et sans limites, était classé «14 ans» en 1979 mais National Lampoon’s Animal House était classé «18 ans». Donc la nudité et les blagues adolescentes dans Animal House sont strictement interdites aux mineurs mais la violence extrême et repoussante dans Alien est correcte pour les jeunes de quatorze ans ?

        En 1992, lorsque la Régie a décidé de changer son système de classifications, je croyais qu’ils allaient serrer la vis et compenser pour leurs étranges décisions du passé. Non … le «14 ans» est devenu «13 ans» … les enfants doivent encore être accompagnés d’un adulte (mais l'âge est encore plus jeune !). De plus, le «16 ans» (qui, comme le «18 ans», interdit l'accès aux enfants) nous a introduit à un juste milieu entre les films adultes et les films inappropriés pour les enfants. Par contre, un film avec presque aucune violence tel que Falling Down est classé «16 ans», ce qui interdit strictement l’accès aux enfants, mais des films très violents comme Ransom (Rançon) ou RoboCop 2 sont parfaitement accessibles aux jeunes adolescents avec la catégorie «13 ans». RoboCop 2 nous montre les pires cruautés en applaudissant la mort et le sadisme et je ne montrerais jamais ce film à un jeune qui a moins de 14 ans. Le film québécois Histoire de pen nous montre une scène de viol assez explicite dans une prison, et ce film est aussi classé «13 ans». Mais le thriller idiot Turbulence, qui ferait rire un jeune de dix ans, est classé «16 ans».

        Je ne désire pas insinuer que la Régie Cinéma du Québec ou les autres offices de classification sont de mauvais organismes … ils ont de très bonnes intentions et je suis parfaitement d’accord avec plusieurs de leurs classifications. Chaque système a ses lacunes, et le MPAA ou les systèmes en Europe ont tous leurs lacunes aussi. Par contre, je crois fermement que les organisations de classification devraient tout de même faire très attention à leurs décisions. C’est pour le bien des jeunes, c’est pour la paix d’esprit des parents et c’est également pour éviter ces affreux cauchemars que les enfants ont durant la nuit.

* J'aimerais ajouter qu'il y a eu de récents changements concernant les classements de la Régie Cinéma du Québec. Plusieurs vieux films «18 ans» ou ceux qui avaient une classification un peu «passé date» ont été reclassés (First Blood était «18 ans» en 1982, il a été reclassé «13 ans», Under Siege a récemment été reclassé «13 ans» etc). Sur une note positive, je trouve que ces changements sont très bons et reflètent la réalité des jeunes de nos jours. J'applaudis le fait que la Régie prenne le temps de revoir les vieux films.

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