MON ONCLE ANTOINE   

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Drame de moeurs

1971. Réalisation: Claude Jutra. Avec: Jean Duceppe, Olivette Thibault, Jacques Gagnon et Claude Jutra. Scénario: Claude Jutra et Clément Perron. Couleur/1h45.

        Un garçon de quinze ans travaille avec son oncle, un croque-mort qui est également le propriétaire d'un petit magasin. L'adolescent apprend beaucoup sur la vie, ainsi que sur la mort.

        Il ne s'agit pas d'un simple petit film coming of age simpliste où la puberté tumultueuse consiste à courir après les filles et penser au sexe vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mon oncle Antoine est réaliste et observe la vraie vie de façon tellement froide et authentique qu'on a l'impression que le film est un documentaire. L'excellente interprétation de Duceppe (le père de Gilles Duceppe, le politicien) et Jacques Gagnon reste appréciée par plusieurs cinéphiles québécois.

        Les scènes sont montées avec justesse et honnêteté. Le film attaque les incertitudes de la jeunesse avec tact. La scène légèrement sensuelle entre Benoit et Carmen ressemble tellement à la vraie vie, à cette curiosité sexuelle à la fois timide et directe que la scène est presque une mini chef d'oeuvre en elle même. Les scènes également mémorables démontrent comment Benoit fait face à la mort. La mort, qui était auparavant tellement routinière et ordinaire, semble terrifiante et surréelle lorsque Benoit voit le cadavre d'un autre adolescent.

        La caméra est souvent placée très loin et observe ces personnages en gardant une grande distance. Le spectateur observe de loin une vie très difficile: l'alcoolisme, la pauvreté, la mort et le froid intolérable de nos hivers. Le film observe deux familles initialement distinctes qui se retrouvent liées ensemble vers la fin à cause des circonstances. La première famille est celle de l'homme qui part à la recherche d'un emploi en laissant sa femme et ses enfants derrière lui pour l'hiver. La deuxième est celle de Benoit et Antoine; l'homme s'avère moins dominant que la femme. Dans la première structure familiale, on ressent une ambiance traditionnelle et catholique: l'homme travaille et la femme reste à la maison avec les enfants. La deuxième famille a une structure différente: Antoine et sa femme n'ont pas d'enfants et il y a plus d'égalité entre l'homme et la femme. Lorsqu'on analyse le film, c'est la deuxième qui est la plus misérable (on voit de l'infidélité, de la tristesse, de la rage). La première famille vit des moments difficiles mais elle est simple et pure, traditionnelle et inchangée. Chez Antoine, les choses deviennent de plus en plus problématiques. (Ne lisez plus si vous ne voulez pas trop en savoir sur la fin du film).

        J'ai l'impression que Mon oncle Antoine n'est pas simplement un drame qui traite de l'adolescence. Il traite également de la disparition graduelle des valeurs catholiques et traditionnelles. La première famille est le bon vieux temps, elle représente les bonnes valeurs sûres. La deuxième (celle d'Antoine) représente la dégradation, la séparation et l'immoral, le destin négatif pour la société québécoise. À la fin du film, lorsque le jeune Benoit regarde par la fenêtre de la maison et voit la première famille choquée par cette injustice impensable envers leur fils, c'est comme si Claude Jutra tentait d'embellir et d'apprécier la structure traditionnelle d'avant. Après tout, ce n'est pas cette famille qui a été assez sans coeur pour laisser le corps d'un enfant dans la neige.

        Voilà la façon dont j'interprète l'histoire d'un point de vue plus social. D'un point de vue de critique, Mon oncle Antoine est du cinéma aussi réel que du réel qui n'embellit pas la vie de ces gens. 

        Benoit est différent à la fin du film: il est plus mature, il voit des choses qui le sortent brusquement de son enfance. Je crois que le film se termine de façon trop abrupte mais c'est peut-être la meilleure façon de le terminer. Qu'est-ce que Benoit aurait dit à cette famille déchirée qui trouve le corps de leur garçon dans la neige ? La réponse est tellement pénible et intolérable que c'est mieux que Jutra n'ait pas continué plus loin.

Affiche du film

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